Dimanche 1er février 2009
Le hasard n'existe pas.
Quatre très courtes conversations font de ce voyage aller vers Dubaï un moment intéressant, professionnellement et surtout humainement, culturellement aussi qq part.
En ce dimanche donc, assise à l'aéroport Charles de Gaulle, T. - un de mes "lointains" collègues - entame une de ces conversations dont on se souvient vaguement.
Quelques instants plus tard, je me retrouve assise aux côtés d'un jeune chercheur dont j'ignore le prénom. Son objectif? Des études urbanistiques dont celle de Mumbaï (anc. Bombay) sur la réhabilitation des bidonvilles. Il me parle brièvement de son boulot... une passion apparemment. Une conversation que l'on emporte avec soi.
Un steward français me parle de sa vie et de son expérience à Dubaï. De la dictature dans laquelle il vit et de la vision qu'il en a... Etonnant...
Et, en guise de fin d'introduction à un voyage qui se veut si bref et pourtant important, T. me parle des empreintes que Dubaï lui a laissées lors de ses précédentes visites: un discours officiel, répété à toute personne foulant le sol de cet émirat, une dictature (sujet apparemment récurrent et système politique perçu tellement différemment selon le côté de la barrière où nous nous situons), un chantier démesuré, sans fin, décadent.
Lundi 2 février 2009
Voilà. Ai vu Dubaï. A tout le moins une grande partie. Cinq ans d’histoire nous contemplent à en croire notre chauffeur de taxi. La mer ? Je la vois là et pourtant elle ne m’appelle pas. Elle-même semble artificielle. Rien ni personne ne "m’attire" ici. Contrairement à d’autres lieux. Souvent lorsque je voyage, je me dis que rien ne me retient en Belgique. Mais aujourd’hui mon pays me manque...
Mercredi 4 février 2009
Dubaï donc avec ses gratte-ciel, sa vie nocturne tout aussi décadente qu’ailleurs. L’alcool interdit dans de nombreux endroits coule – ici et là – à flot. Les robes se raccourcissent, les décolletés s’allongent. Culture et religion diffèrent peut-être de chez nous, mais rien n’y fait : l’Homme est partout le même. Certains – plus hypocrites que d’autres, ? je ne peux le savoir – décident de cacher leur(s) femme(s) sous une burka, une « étoffe traditionnelle » ne laissant présager de rien. Mais qui nous dit ce que – derrière les portes – il se passe ?
Dubai, le 5e jour
Se rappeler tout. Se souvenir des moments que l'on a partagés. L'authenticité de l'Inde est à 1000 lieues des artifices ici rencontrés. Et surgit alors une question: comment les Indiens émigrés peuvent-ils se sentir bien ici? C'est ici mieux, me disent-ils, car ils peuvent envoyer quelque argent à leur famille.
Pendant notre retour du désert, ma discussion avec le chauffeur m'a parue tellement loin de la réalité des chantiers et du luxe superficiel de Dubaï. Il (sur)vit ici 11 mois par an. En juillet, il rentre en Inde. Une fois par an, donc. Un mois. Mais dans quel monde vivons-nous et dans quel siècle? Sa femme et son fils vivent là-bas. A seulement quelques heures de vol. Quelques heures de trop. Car impossible pour lui de rentrer plus souvent, pour eux de venir ici.
Dubaï est une dictature. Et - en apparence - il fait bon y vivre. Car il n'y a pas d'impôts. Car l'administration est inexistante. Sont-ce là des critères de bien-être et de respect? Quid des droits humains? J'appris - dimanche - qu'entre deux shifts, les ouvriers dorment à même le sol sur des nattes, à des températures allant jusqu'à 50°c. Tout est ici démesuré. Je ne boude pas ce luxe qui m'est offert, mais je n'ai pas non plus envie de recommencer cette expérience.
Dictature? Pas plus mal, me dit notre chauffeur. Car les choses avancent. Ses propos à ce sujet ne me reviennent pas exactement, ils ne me reviennent que par bribes, mais je sais qu'il estimait être bien accueilli et bien vivre ici. Mieux qu'en Inde. Je le disais d'emblée. Est-ce le fruit de mon imagination ou bien a-t-il réellement dit que tout est possible ici?
A la suite de cette courte discussion sur sa situation familiale et sur la politique (son discours serait-il formaté?), il m'interroge sur ma vie. Nous parlons de religion aussi. Il me dit être chrétien. Je lui dit que je suis athée (quand je me relis je me dis "j'ai perdu la foi"). Ca le surprend. Son message sur la chrétienté me surprend et me parle à la fois. Le message du Christ, dit-il, est l'amour pour son prochain. Faire ce que l'on croit bon, dans un certain respect pour l'autre et une certaine ouverture vers l'autre. La vie éternelle telle que décrite dans les livres n'est pas tant celle à laquelle il croit. C'est en l'autre que nous sommes éternels. La résurrection? Elle n'existe pas en tant que telle. C'est plutôt ce qui reste de nous quand nous sommes partis qui nous rend "éternels". Ce qui de nous reste en l'autre... Ses propos sont clairs et bien construits. Il a donc beaucoup réfléchi à la question. Mais est-ce une illusion? Car rien n'est éternel, ni l'Homme, ni la Terre. Mais qu'est-ce alors: le rien?
Je m'éloigne, mais cette conversation si difficile à relater, à appréhender, trotte et fait son chemin. Pour l'instant, tout est encore nébuleux.
Dubaï me laissera une empreinte, pas très profonde. A l'inverse de l'Inde. Mais l'humanité que j'y avais trouvée, je l'ai à nouveau rencontrée en tous ces travailleurs, en cet homme qui me remercia pour notre conversation.