Saturday
Jun242006
Louis Nucera

Un de ses meilleurs livres, Le Roi René, retraçait la carrière de René Vietto. C'était un des modèles de Louis, car il aimait le style et le courage. A la fin de chaque été, je lui demandais: "Tu as bien roulé? Combien de kilomètres?" Et la seconde question venait aussitôt : "Combien de pages?" Les deux étaient inséparables, les performances du "champion" et celles de l'écrivain...
Né à Nice le 17 juillet 1928, Louis Nucera fut nourri, dans sa jeunesse, par les souvenirs de la première guerre mondiale. Il écoutait religieusement les histoires que ses oncles racontaient à l'heure du dîner. Cela donne des enfants très réfléchis et très rêveurs. Le père de Nucera mourut en 1933 et sa mère fut "soudain vieillie par l'irréparable ". Ce genre de phrase résume la manière de Louis : écrivain très classique, il savait organiser le complot de la grammaire et de l'émotion.
Après la disparition de son père, Louis Nucera fut obligé de gagner sa vie, devenant "téléphoniste" dans une banque. Jean Giono avait travaillé lui-même dans une succursale de cet établissement. C'était un excellent présage. Nucera fit ensuite du journalisme. Cela lui permit de rencontrer Joseph Kessel, Georges Brassens et Jean Cocteau. Ses professeurs ou ses parrains en littérature. Des parrains magiques. Le premier convainquit Louis Nucera que la langue française était une sorte de "monastère" et qu'il fallait y pénétrer avec de grandes précautions. Le deuxième donnait des leçons de modestie et le troisième des leçons de politesse. Cocteau disait, en effet, qu'il fallait effacer de ses textes la peine que l'on avait prise pour les écrire. Louis Nucera retint les trois enseignements. Dans ses romans (L'Ami, 1974; Avenue des Diables-Bleus, 1979; Chemin de la Lanterne, 1981; Le Kiosque à musique, 1984; La Chanson de Maria, 1989; Le Ruban rouge, 1991...), il a dépeint avec délicatesse le petit peuple de sa ville, les petites gens dont il était l'héritier. Mais il se demandait : pourquoi "petites" ?